Avant projet scénographique du Pont du Gard 2
Et dans cette vaste tente stuc et kitsch, où chacun pourra acquérir une de ces babioles qui renvoient à tout coup à l'enfance, le ton est donné. Pour quelques heures, quelques semaines au cœur de l'été, le Pont du Gard s'est inventé de toutes pièces une vie nouvelle, un décor nouveau, un village éphémère et chaleureux, un terrain d'aventures que chacun pourra investir à sa manière, selon ses désirs, sa curiosité, ses aspirations à rêver.
Il ne s'agit pas (surtout pas) d'un pseudo parc de loisirs, moins encore d'une reconstitution historique, ou d'une vague copie de ce qui a fait le succès, sur berges de Seine, de l'opération Paris-Plage. Le Pont du Gard, par la force intacte de son site naturel, et par son magnétisme de grand monument du patrimoine mondial, n'aurait pas toléré de tels artifices, de tels jeux de scène. Le pari était autre : il fallait simplement se glisser dans la beauté sauvage du lieu, l'éclairer en douceur, réveiller ses charmes secrets, redonner aux uns et aux autres le désir de s'y poser, d'en partager la quiétude ou la force, de le (re)découvrir comme lieu de vie, de partage. Un lieu ouvert qui incite à la promenade, à la quiétude, au déjeuner sur l'herbe, à la sieste réparatrice, aux jeux aquatiques, à la lecture, aux moments d'intimité, aux parties de boules, au bal populaire, aux ripailles entre amis.
Vivre comme avant, comme toujours, lorsque des familles ou des bandes d'ados, des promeneurs solitaires ou des passants tombés du ciel, se croisaient ici sur les rives du Gardon pour jouir du présent à l'ombre des arches somptueuses.
On est maintenant sous l'aqueduc, regard tourné vers l'aval, et on devine les contours d'un hameau fragile et bigarré, village nomade et ludique que l'on sent prêt à plier bagage du jour au lendemain. Sous les arbres, rive droite, un petit marché des quatre saisons, provençal pur sucre, éveille les gourmandises, invite au pique-nique. Dans l'ombre des feuillages, quelques bancs confortables, postes de repos, postes d'observation. Plus loin, une belle piste de boules. L'orée du bourg voué au farniente, à la flânerie, aux douceurs conviviales.
Au-delà du socle de roches qui borde la berge, entre ombre et lumière, tout un petit monde de cabanons, de toiles tendues, de bulles translucides, de chaumières de poche s'égrène le long de la rivière. Bambous, bois flotté, toitures de sagne, auvents de toile, formes galbées, allongées ou carrées… Ces petits bouts de paradis, faits de matériaux bruts et chauds, dessinent un inventaire bariolé de tout ce que l'architecture populaire a engendré de plus ingénieux, de plus harmonieux. Evocation d'une culture populaire authentique, art premier des bâtisseurs anonymes du grand sud, ceux qui ont dessiné avec les moyens du bord et une forme de grâce des îles clandestines, comme Beauduc en Camargue, ces quartiers de cabanons chers aux Marseillais ou aux ouvriers de Port-Saint-Louis du Rhône, ou encore les fameuses « cabanes » qui bordent les étangs du littoral, aux limites du Gard et de l'Hérault. Paradis de bric et de broc, royaumes d'artistes spontanés ou de bricoleurs de génie. Hauts lieux de la civilisation du loisir populaire et convivial. Tous ces havres à échelle très humaine sont ouverts, disponibles au gré des désirs du moment, et chacun peut s'y poser, s'y reposer, en faire pour une heure, une demi-journée, un lieu de vie, d'amitié, de connivence.
Plus près de l'eau, on a dessiné des bassins minuscules, des sortes de gours où les plus petits s'inventent des jeux d'eau mystérieux. Plus loin, des gonflables colorés, parfois de vrais monstres, sont arrimés dans le cours du Gardon et pris d'assaut par les aînés. L'eau reste terrain de jeu, de liberté, d'énergie pure.
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