Avant projet scénographique du Pont du Gard
Au-delà du parking couturé de pierres sèches, s'ouvre un monde inconnu, mystérieux. Le Pont sublime, le phare qui attire à lui tous ces visiteurs du monde entier, est encore invisible, mais on le sait tout proche, à quelques centaines de mètres. On se rapproche donc des bâtiments clairs et à demi-enfouis où se concentrent l'accueil-billetterie, les espaces muséographiques, le relais gourmand ou les boutiques souvenirs. Déjà impatient d'aller plus loin.
Déjà disposé à jouer les badauds. Prêt à baguenauder.
Le soleil cogne dur, on entend le crissement des cigales, et la lumière qui embrase les murets de pierres claires est presque cruelle. L'été, ici, ne fait pas dans la dentelle.
Vite, de l'ombre, du frais, du vert. D'emblée, le décor incite à la rêverie. A une forme de langueur. Le grand mail d'arrivée est un vaste tunnel végétal où ondulent des velums colorés. Des brumes d'eau vaporeuses semblent jaillir des plantes suspendues. Préambule un brin magique, plutôt intrigant.
On devine qu'on vient de franchir une frontière. On pressent, de l'autre côté, un univers singulier. La voie piétonne qui file vers le pont se déroule comme un tapis clair. Elle est devenue livre ouvert, bribes de textes griffées sur le béton, et dont on essaie de repérer le sens. Des mots comme des bulles, des éclats, parfois dans une langue (occitane) qui résonne étrangement.
D'un coup, le pont resplendit, en majesté, posé dans l'écrin vert sombre de la garrigue et des eaux calmes du Gardon. Eblouissement. Admiration. Comme toujours. Depuis deux mille ans.
Près de l'olivier géant (originaire d'Espagne), une vaste tente de toile claire, armature légère, presque fragile sous la brise de chaleur, attire le regard. C'est le royaume d'un colporteur enjoué qui a entassé là les mille et un fétiches, objets, images, babioles qui évoquent à la fois le pont, l'orgueil de Rome, et une douceur de vivre « gauloise », occitane, résolument sudiste, qui a de tous temps marqué l'histoire de ce site. Lui est une sorte de Monsieur Loyal, un hôte aux accents de fou du roi, un de ces bateleurs espiègles qui annonce la couleur. « Je vous invite à découvrir la planète du Pont du Gard, le pays des soupirs et de l'eau claire, le monde des ombres savoureuses et des cabanons du bonheur, la terre des guinguettes et des bars profonds, là où on ne connaît pour loi que le seul art de vivre ». Enfin, dans ces eaux-là.
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